
Alors que les drama dans les années 90, pour ce que j'en garde, étaient toujours très manichéens, dans les années 2000, les héros deviennent plus graves. Souvent, malgré tout, on leur admet rapidement des circonstances atténuantes. Ainsi, Scofield dans Prison Break est prisonnier mais c'est pour libérer son frère condamné à tort, Sawyer dans Lost se comporte comme un beau salop qui ne partage pas ses Twix mais on apprend qu'il a assisté au meurtre de sa mère alors qu'il n'était qu'un enfant, Jack Bristow dans Alias trahit atrocement sa fille mais a lui-même été abusé tout au long de sa vie, Christian Troy dans Nip Tuck jette les femmes comme des moins que rien mais son comportement n'est qu'une conséquence des propres sévices qu'il subissait, gamin. La liste est longue. Aujourd'hui, la déviance est de plus en plus à l'honneur à la télévision, une déviance qu'on tolère, qu'on pardonne quand on ne la cautionne pas carrément et on se surprend à aimer des personnalités complexes et surtout criminelles. Rien ne nous arrête, nous spectateurs. Le sexe et ses excès dans Nip Tuck ou Queer as folk, la prostitution dans Hung, le viol dans Oz, la torture dans 24, la drogue dans Weeds, Nurse Jackie ou Breaking Bad, la folie dans United States of Tara et surtout, celui qui défraie vraiment la chronique, Dexter, tueur en série sympathique. Que manquait-il à ce charmant palmarès ?
Sons of Anarchy ou l'histoire d'un clan de bikers, trafiquants d'armes, assassins à leurs heures régnant en maître dans leur contrée, influents auprès de chaque individu, police corrompue comprise et organisant leurs magouilles sous la houlette d'un chef : Clay. Vraie gueule qui ne passe pas inaperçu, malgré ses attitudes de « frère » comme il aime à appeler les membres du club, n'en prend pas moins toutes les décisions et sait sur quelles cordes tirer pour obtenir ce qu'il désire. Malgré sa bonne relation, l'épaule sur laquelle il peut s'appuyer à savoir sa femme forte interprétée par Katey Sagal, l'éternelle Peggy de Mariés, deux enfants, celui-ci se réserve toujours le droit de décider. Le personnage principal de la série, celui qui, au fil des épisodes apportera le plus d'humanité est Jax. Père dès le premier épisode, la mère de l'enfant incarnée par Drea de Matteo, soeur de Joey et Angie dans la saison 6 de Desperate Housewives est une junkie, qui suite à l'accouchement semble parvenir à s'en sortir mais laissera échapper Jax avec qui elle souhaitait tant être une vraie famille, au profit de Tara, son amour de toujours.
La saison entière tourne autour des petits et gros coups du clan, son organisation, les problèmes financiers du groupe, la famille star décideuse. Je ne reviendrai pas en détail sur les différents scénarios liés à ces lignes directrices. On y voit les oppositions avec les Mayan, des corps déterrés, un violeur castré, le tout dans des scènes assez crues, violentes. Un traité d'image loin d'être aseptisé. Les relations entre « frères », entre couples, entre mères et fils jouent un rôle important mais évidemment deux grands axes principaux sont à retenir pour cette première saison.
Tout d'abord, discrètement et pourtant décisif au final, nous apprenons que le feu père de Jax était l'un des créateurs du Club. Des secrets, des non-dits flottent lorsqu'il est question de lui. Clay et l'intrigante, manipulatrice et influente Gemma semblent cacher un lourd passé à propos de ce mystérieux John. Intrigué, Jackson aura un début de réponse grâce à un manuscrit où son père explique sur des centaines de pages ce qui ne lui plaisait plus à l'intérieur du clan, ce qu'il fallait changer, la ligne de conduite décidée à la base du projet n'étant plus, les dangers qu'il percevait, la charte qu'il souhaitait établir. Cet état d'esprit moins rebelle a pu déplaire... Ces notions plus justes, ces valeurs coulent également en Jax. Il n'est pas le héros pour rien. Sa violence est toujours maîtrisé et régulièrement, il s'écarte de la masse plus « sans pitié » dirons-nous. En fin de saison, il se rebellera carrément et son statut de second semble être bien incertain...
En effet, la seconde histoire à retenir et non sans conséquences lors de cette saison débute au dixième épisode. Les agents fédéraux de l'ATF en la personne de June Stahl mènent l'enquête. Ce très bon personnage persuadé de la culpabilité des Sons qui saute aux yeux ne les lâche pas une seconde et chaque étape sera intéressante. Interrogeant, se faisant violemment tabasser, manipulant, ce sera au travers d'Opie, meilleur ami de Jax, que la tournure des choses montera d'un cran important dans l'intérêt de la série. Bidouillant avec des micros cachés et réussissant à le faire passer pour une balance auprès du reste de la bande, Clay prendra alors une lourde décision sans précédents : organiser une fausse altercation afin de pouvoir faire buter Opie sans que personne, membres des Sons compris, ne puisse le soupçonner. Malheureusement, les choses ne se passent pas comme prévues, un drame survient, c'est la femme d'Opie qui est tuée par erreur. Le dernier épisode permet à Jax d'apprendre que celui qu'il considérait comme son père était à l'origine de ce massacre. Auprès du père d'Opie, co-fondateur du club avec John, ils déclarent alors que le temps du changement est venu...
Sons Of Anarchy a eu besoin de quelques épisodes pour être sur des rails et chaque épisode devient en général meilleur que le précédent, évolution qui est toujours plus intéressante dans ce sens là que l'inverse. Le meurtre d'une mère innocente commis par le chef tout puissant du club remet beaucoup de choses en questions. Mêlés au passé de l'"affaire John", les réactions de chacun intriguent pour l'avenir, en particulier celle de Jackson, qui comme le reste du casting interprète un personnage fort avec nuances et talent. La saison 2 a le potentiel pour être exceptionnelle.

Pour les réticents, ne soyez pas rebutés par ce que vous pensez être un « truc de motos et de bières ». Il s'agit ici d'une communauté atypique, loin des clichés qu'elle peut évoquer et dont l'ensemble vaut le coup d'œil.
Notes de cette saison 1 :
1 : 12,5/20 – 2 : 13,5/20 – 3 : 12/20 – 4 : 12,5/20 – 5 : 13,5/20 – 6 : 14/20 – 7 : 13/20 – 8 : 14/20 – 9 : 12,5 – 10 : 15/20 – 11 : 14,5/20 – 12 : 15,5/20 – 13 : 15/20