vendredi 4 novembre 2011

American Horror Story

Saison 1, épisodes 1 à 3.


Si Once Upon a Time revisite les contes de notre enfance dans un univers obscur, la rentrée 2011 apporte également une nouvelle série flirtant carrément avec l'horreur...

Présenté comme un ovni télévisuel, il faut bien l'admettre, Ryan Murphy et Brad Falchuk, deux des créateurs et réalisateurs de Nip/Tuck et Glee possédant chacune, c'est vrai, un univers bien défini, réussissent leur pari une nouvelle fois en misant sur la véritable angoisse et les fantômes.

Attention, ne vous méprenez pas, nous ne sommes ni dans un remake de Chair de poule (et Dieu sait que je vénère Le Masque de Caroline en deux parties) ni dans les Contes d'une Crypte plutôt kitschouille et encore moins dans une boucherie de sang ne visant qu'à attirer les fans de découpage japonais métaleux ridicule. Ici, un véritable univers esthétique est créé. Avec ses décors, ses costumes, sa musique, la totalité du siècle qui est traversée et l'ambiance générale, uniquement au niveau de l'image, le jeu en vaut largement la chandelle. L'atmosphère glauque sans pour autant nous glacer le sang (et c'est tant mieux !) parvient à happer le téléspectateur en quelques minutes. Très vite, nous nous prenons une claque, nous rendant immédiatement compte que ce qu'on nous propose ici est inédit, original et captivant.

Le contour étant plaisant, l'intérieur se devait d'être à la hauteur. Chers amis, foncez ! C'est une réussite ! Comme dans The Walking Dead, on se retrouve complétement satisfait devant son écran en nous disant qu'on nous offre une super intrigue de cinéma et que celle-ci ne s'arrêtera pas au bout d'une heure trente. La comparaison avec le cinéma est en effet de rigueur, tant le scénario est béton. Vivien (Connie Britton), après une fausse couche et un adultère dont elle vient d'être victime et qu'elle tente, tant bien que mal, de pardonner à son mari Ben (Dylan McDermott), débarque avec ce dernier et leur fille adolescente, Violet (Taissa Farmiga), dans une nouvelle ville. Entre alors en jeu la star de la série : la maison. Une typique maison victorienne de 1922, construite à l'époque par le docteur Charles Montgomery, marié à Nora, une mondaine de la côte, très en vue, qui s'est retrouvé dans une relation qui ne le satisfait pas, devenant accro aux drogues et développant un complexe de Frankenstein. Au sous-sol, Nora lui fait venir Dorothy Hudson, puis onze autres femmes que le psychopathe peut faire passer sous son scalpel. Parmi les nombreux suspenses qui sont installés, on nous fait savoir que le paroxysme de sa terreur a eu lieu lors du 'grand final' de 1926. Ce que notre famille fraîchement débarquée ne sait pas encore, c'est donc que contrairement à ce que leur a révélé leur agent immobilier (interprétée par Christine Estabrook, connue pour son rôle de Martha Huber dans Desperate Housewives), il n'y a pas eu qu'un seul meurtre à l'intérieur de leur nouvelle acquisition... Au cours des trois premiers épisodes, nous faisons donc tour à tour connaissance avec les jumeaux tués dans la maison, puis Maria et Gladys qui occupaient à l'époque ce qui était un internat de jeunes filles, l'une noyée, l'autre poignardée ; ou en 1983, l'assassinat par balles d'un mari trompeur et de sa maitresse. Ces fantômes apparaissent et se manifestent ponctuellement. Ils semblent jouer un rôle déterminant et peuvent en tous les cas, toujours intervenir. Sont-ils la cause ou la conséquence de cette 'maison du meurtre' comme l'appellent les touristes ou les fanatiques qui s'en approchent ? L'intérêt et les mystères qui entourent ce lieu si atypique sont une force de poids et imposent, de la même manière que Lost a pu le faire avec son île, doutes et questionnements.

S'il faut parler des forces de American Horror Story, celle qui ne fait aucun doute est la distribution de personnages interprétés non seulement par des acteurs de grand talent qui habitent littéralement leurs personnages, mais aussi ceux-ci en eux-mêmes qui ont véritablement été travaillés et qui possèdent chacun une histoire intrigante. Les voisins tout d'abord, Constance est une bourgeoise froide, au sourire glacial, qui semble être une véritable bible de connaissances dissimulant ses intentions et son passé. Elle est incarnée par la charismatique Jessica Lange, parfaitement choisie, et affublée du maquillage, de la coiffure et des vêtements idéaux afin de la rendre intemporelle. Cette femme contrôle plusieurs autres personnages et semble être à la tête d'un groupe à ses ordres. Elle a d'ailleurs tué son propre mari et tiré une balle dans l'œil de sa jeune maîtresse. Quand elle offre un gâteau à sa jeune voisine Violet, elle demande à sa fille de cracher dedans et y ajoute un produit provoquant des vomissements. Pour les suspicions quant à son implication dans les différents événements malheureux qui gravitent autour de la famille arrivante, il y a cette phrase prononcée à Ben alors qu'il est en pleine crise de somnambulisme: 'Retournez vous coucher, ce n'est pas encore votre heure'. Constance a une fille trisomique qui a toujours été fascinée par cette maison si particulière. Ce personnage peut être des plus flippants car il s'introduit régulièrement, en pleine nuit, dans une demeure bondée de fantômes, que la jeune fille voit à chacune de ses visites. La relation entre les deux personnages est un mix vraiment intéressant, compliqué, original, dans laquelle la mère alterne les sourires hypocrites et les insultes, en passant par des punitions qui donnent la chair de poule. Elle l'enferme dans un placard rempli de miroirs du sol au plafond.


Pour parler du prochain personnage, il faut évoquer le métier du père de famille qui vient d'emménager dans cette fichue maison, Ben. Celui-ci est psy et tente de se faire une clientèle en recevant ses patients sur place, à son domicile, dans un bureau. L'un des premiers cas qu'il traite est celui de Tate, un jeune garçon très perturbé, violent. L'adolescent semble avoir un lien particulier avec Constance, peut-être sa mère, puisque cette dernière a avoué à Vivien, émue, qu'elle avait eu quatre enfants.
Trois 'mongoliens' ou 'dans ce goût-là', comme elle le dit, et un quatrième d'une beauté parfaite mais qui lui a été arraché. Le Tate en question, en traînant régulièrement chez son psy, finit par se rapprocher de la propre fille qui habite sur place, Violet. Ben, le découvrant, leur interdit cette relation qui devient secrète. La jeune fille, nouvelle à l'école, tombe sur une pétasse agressive ne vivant que pour Channel. Confiant cette affaire à son nouvel ami, celui-ci décide de lui donner un coup de main. Les choses ne se passent pas comme prévues et pendant sa mise en scène à la cave, à l'endroit même où les jumeaux des années 20 avaient été tués, la jeune fille que Violet voulait uniquement effrayer se retrouve blessée et traumatisée par une chose bien mystérieuse, que chacune peine à définir. Sa blessure sur la joue est en tous les cas bien profonde. En dehors de sa violence et de ses manifestations irréelles qui entourent le personnage, par le biais d'un dialogue avec Constance, un aveu nous est fait : il y a bien un but à cette thérapie, et l'objectif leur est commun, puisque tous deux mettent une priorité à ce que Ben continue de le traiter.

Arrive Larry Harvey, interprété par Denis O'Hare (vu récemment avec son rôle de Russel Edington dans True Blood), au visage ravagé par d'importantes brûlures et atteint d'un cancer du cerveau en phase terminale. Ce dernier n'a de cesse de suivre Ben en particulier au moment où ce dernier fait son jogging, pour le convaincre d'absolument quitter les lieux. Il raconte son histoire: il a lui aussi été habitant de cette maison, qui l'a rendu complètement fou au point de mettre le feu aux lits de ses propres filles de six et dix ans et de sa femme. Il déclare : 'Cette maison, c'est le Diable'. Quand l'ex-maîtresse de Ben refait surface dans le but de briser sa vie parce que ce dernier l'a récemment aidé à avorter en le cachant à sa femme, Larry apparaît et la tue à coups de pelle prétextant qu'il le fallait et enterrant le corps dans un jardin déjà bien fourni en cadavres. Ben se retrouve, après des jours à le rejeter, bien malgré lui, complice de meurtre.


Enfin, un personnage encore une fois ultra-mystérieux, celui de Moira, la gouvernante pour ainsi dire vendue avec la maison et ayant elle-même nettoyé les dernières scènes de crimes, au passé extrêmement flou et incarné par une actrice que les sériphiles de ma génération adorent : Frances Conroy, qui a été durant cinq ans l'extraordinaire Ruth Fisher de Six Feet Under. Sa diction si particulière, son physique qui l'est tout autant et son jeu intelligent, sont ici agrémentés d'un œil de verre, rendant son regard encore plus inquiétant. Deux choses essentielles la concernant : alors que pour les femmes elle est une vieille dame, loin d'être fraîche mais travailleuse, les hommes eux la perçoivent d'une toute autre manière. Dans leurs yeux, elle est une jeune soubrette aguicheuse prête à écarter les cuisses à la moindre occasion, sensuelle au possible et assoiffée de sexe. La deuxième chose est qu'elle a elle aussi un lien à part avec Constance. La femme de ménage qu'elle est pour Vivien et Ben, ou du moins la version jeune et allumeuse, était celle qui travaillait pour Constance et qui a couché jadis avec son mari. Lorsque Constance lui a tiré dessus, c'était dans l'œil ! Alors qui est-elle vraiment ? Morte depuis des décennies ? Ressuscitée par Constance ou la maison ? Elle semble elle-même piégée, voulant s'enfuir de cette 'vie', mais retenue contre son gré, protégeant tout de même son secret de multiples apparences.

Vous l'aurez compris, ces trois premiers épisodes sont d'une densité incroyable et nous présentent un couple qui d'heures en heures s'apprête à sombrer. Les placards qui s'ouvrent et les voisins si étranges qui se promènent à l'intérieur de leur maison hantée laissent place à un homme vêtu de noir qui engrosse notre héroïne, alors que celle-ci imagine assouvir le fantasme de son mari. Les fanatiques qui prennent Vivien et Violet en otage en tentant de reconstituer une ancienne scène de massacre leur ouvre les yeux, et ils savent désormais qu'il est temps de partir. Malheureusement des soucis bien contemporains, bien de chez nous, à savoir : le manque d'argent ne leur permet pas de quitter cet endroit en un clin d'œil. Il va falloir attendre, alors que les menaces se multiplient et que Ben manifeste de plus en plus d'absences avec des pertes de connaissance inexpliquées, pendant lesquelles pourtant sa vie semble continuer. Vivien a beau mettre la pression à son agent immobilier, la malédiction de cette maison semble irrévocable. S'en sortiront-ils ? Qui est et qui sera victime de qui ?

En conclusion, American Horror Story est le résultat d'un travail visuel et scénaristique épatant.


16/20

1 commentaire:

Elise a dit…

Tout à fait d'accord avec toi !! Je dois dire que ça faisait longtemps que je n'avais pas vu des jeux d'acteurs sans aucune fausses notes, je les trouve tous excellents, parfaits et justes dans leur jeu.
L'histoire compliquée à souhait est parfaite, glauque et met un peu mal à l'aise. En gros mission réussie pour une série sensée nous filer des frissons dans le dos. J'aime particulièrement Violet que je trouve 90's a souhait (physiquement elle me rappelle un peu le style de Claire Dance dans Angela 15 ans).
J'ai vu 5 épisodes pour l'instant, et je suis super fan. J'espère juste que le rythme ne va pas s'essoufler et finir en eau de boudin :il y a quand même 13 épisodes dans la saison, comment faire durer l'intrigue sans pour autant donner toutes les solutions au spectateur et surtout sans que cela tire en longueur ni n'ennuie? Là est leur défi.

Je recommande !